Il faut donc nettoyer le buffet ou l’armoire pour revenir à un « état antérieur ». Le choix de l’arrêt du nettoyage et du ponçage du meuble ancien est ainsi déterminant.
Nous partons de là. Cela fait peur, mais c’est notre expérience de voir la qualité sous la poussière, de deviner ce qu’était le meuble, et ce qu’il re-deviendra.
Nous nettoyons et ponçons les peintures superflues, afin de laisser voir le bois sous la laque ancienne.
Parfois les teintes passées n’ont plus d’intérêt et le décapage est total. Le plus souvent, nous laissons une ancienne patine – alors matte et terne – mais une fois revernie, elle laissera voir des variations inégalables par tout autre procédé de finition.
Ce n’est qu’après un parfait séchage que le meuble est confié au laqueur qui va jouer des manques et des transparences pour recréer l’esthétique du meuble.
Entre chaque passe, chaque étirement de laque, le meuble est poncé ce qui produit un engobe blanc qu’il faut à chaque fois nettoyer à l’alcool à vernir.
L’ensemble du processus se fait à la main, au tampon à vernir.
En fonction des styles et des meubles, 8 à 10 passages sont nécessaires pour obtenir l’épaisseur souhaitée.
Entre chaque étirement, il est nécessaire de laisser la laque sécher. Et ce séchage de la gomme laque sur les meubles chinois est une vraie gageure. Nous avons mis des années à en comprendre le fonctionnement, à en maitriser la technique.
Soit nous devions énormément diluer la laque et nous obtenions alors un vernis au tampon occidental ; ce qui est déjà un beau résultat mais ayant trop de finesse pour la profondeur que nous recherchions.
Soit souvent la laque se troublait et donnait un rendu blanc opalescent.
Les techniques se perdent à grande vitesse dans un pays en révolution, et plus personne en Chine ne savait nous donner les raisons de ce trouble. Il nous a ainsi fallu des années de recherche pour comprendre l’art de la laque végétale des meubles chinois.
Le point de départ a été de nous interroger sur les raisons de cette pratique dont les anciens se souvenaient : dans les maisons bien tenues, les meubles étaient relaqués une fois l’an. Et cet entretien du mobilier en Chine intervenait à la période la plus chaude et la plus humide de l’année. Dans le même temps nous avons travaillé en France, à comprendre l’utilité de la température et de l’hygrométrie. En effet si la plupart des vernis modernes réclament une température minimale de 15°C, pour la gomme laque il faut allègrement monter à 30°C (et ce n’est pas simple d’obtenir cette température en France en hiver dans un atelier très peu isolé).
Puis nous avons constaté que, certains mois, le laquage était parfait alors qu’à d’autres, l’étirement était laborieux, le séchage imparfait, les auréoles blanches fréquentes.
Pendant quelques années, nous avons donc suspendu le travail de laquage pendant la saison froide et sèche. Puis nous avons construit une salle de séchage spéciale à la fois chaude et très humide. C’est ce qui nous a permis d’obtenir cette épaisseur, cette profondeur inégalée. Tous les meubles y sont entreposés au moins huit jours entre chaque laquage.
Ainsi dans un climat au chaud et dans une humidité proche de celui de sa forêt tropicale d’origine, la laque vit et accepte les couches successives de couleurs rouge, noire ou bleue sans ternir. Nous pouvons donc l’étirer sans trop la diluer pour obtenir ce résultat.